par Jacques Delorme
Il faudrait peut-être mettre de l’avant la simplicité volontaire 2.0. […] J’ai l’impression que ce que l’on retient de la simplicité volontaire dans l’imagerie populaire, c’est son aspect négatif.
Il semble que la participation au mouvement de simplicité volontaire ait perdu un peu de son attrait depuis quelque temps. Nous remarquons d’ailleurs une diminution de la participation aux activités du GSVQ. Les idées véhiculées par la SV sont toujours aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles l’étaient avant, mais on pourrait dire que la SV est moins à la mode. C’est souvent comme ça avec les courants sociaux; il y a des modes, et avec une nouvelle mode, il y a l’attrait de la nouveauté. C’est paradoxal, mais c’est comme si l’idée de la simplicité volontaire avait elle-même été, pendant un certain temps, à cause de sa nouveauté, un peu comme un produit de consommation. Une fois celui-ci consommé, on est passé à autre chose.
D’un autre côté, même si la popularité du mouvement s’est estompée, elle a quand même laissé sa marque. La SV est peut-être moins populaire, mais elle est par contre assez bien connue. La plupart des gens en ont déjà entendu parler. L’idée de la SV est entrée dans l’imaginaire populaire. On voit le terme utilisé dans les médias et même dans les publicités. Le problème, c’est qu’on en parle souvent d’une façon un peu superficielle, souvent déformée et un peu péjorative. Dans le public en général, je trouve qu’elle est encore mal comprise et c’est probablement une des raisons de son impopularité actuelle.
Au Réseau québécois de simplicité volontaire, il y a aussi eu désaffection. À Montréal, les énergies se sont déplacées vers le mouvement pour la décroissance. La situation préoccupante au niveau de l’écologie mondiale, notamment les problèmes liés aux changements climatiques, a réorienté ceux qui avaient une approche plus militante à l’intérieur du mouvement. Ceci est peut-être particulier au Québec, mais la promotion de la simplicité volontaire a beaucoup été faite ici par des gens ayant d’abord une préoccupation écologique. La SV était perçue d’abord comme un moyen de changement social, une solution écologique. C’est un peu différent de ce qu’on voit aux États-Unis, par exemple, et d’où est d’ailleurs issue la simplicité volontaire, où la SV est d’abord comprise comme une pratique et un mode de vie même si on en reconnaît sa valeur d’un point de vue éthique. Cette approche a peut-être aussi un peu contribué à la mauvaise compréhension de la SV, parce qu’on a peut-être donné l’impression que la SV était une sorte de mouvement éthique qui demandait que l’on réduise sa consommation uniquement pour des raisons écologiques. Évidemment, je parle ici de la perception dans le public en général, pas à l’intérieur du Réseau.
Bref, je crois qu’une sorte de mise à niveau s’impose dans notre approche. C’est comme pour les logiciels qui évoluent vers une nouvelle génération; il faudrait peut-être mettre de l’avant la simplicité volontaire 2.0. Je m’explique. J’ai l’impression que ce que l’on retient de la simplicité volontaire dans l’imagerie populaire, c’est son aspect négatif. On le sait, l’idée de la SV est à contre-courant. Les simplicitaires comprennent que l’on peut mieux vivre en ayant moins, mais c’est une idée très paradoxale dans notre monde où on a toujours l’impression d’être en manque : manque de temps, manque d’argent, manque d’amour, manque de contacts sociaux enrichissants, manque de beauté, etc. La simplicité volontaire propose que par des rajustements dans nos choix de vie, nos valeurs, dans nos façons vivre et de voir les choses, on peut en arriver à moins se sentir en manque et qu’au contraire, on en vienne à transformer les sentiments de manque en sentiments d’abondance. L’idée générale étant qu’en réduisant l’aspect quantitatif dans nos vies, on en augmente l’aspect qualitatif, et c’est cet aspect, d’après moi, qui n’a pas assez été mis de l’avant.
Dans la simplicité volontaire 1.0, on a beaucoup mis l’emphase sur la réduction matérielle; c’est l’image que le mouvement a laissé dans le public en général. Avec la simplicité 2.0, on doit davantage s’intéresser au processus d’enrichissement personnel qui vient avec la réduction matérielle. Par exemple, on s’intéressera aux besoins des simplicitaires, à comment les supporter dans leur démarche, au travail sur soi, à la réflexion et aux échanges, à des actions concrètes collectives pour créer des liens sociaux, des échanges avec d’autres, et des actions concrètes pour enrichir sa vie. Tout cela en tenant compte évidemment de nos préoccupations écologiques et en espérant que notre action pour faire avancer la SV ait un impact sur la société. Et c’est d’ailleurs ce que l’on explorera dans notre colloque au mois de novembre avec notre thématique sur le sens de la vie.
- Article paru dans le bulletin du GSVQ « Simplement vôtre » Volume 10, no 2, Automne 2013