Paru le 27 janvier 2016 dans le Carnet des simplicitaires, et le 1er février dans Le Soleil (le 2 février dans l’édition papier)
L’exploitation des sables bitumineux a débuté en 1970 en Alberta avec la découverte d’un très gros potentiel de production.
Toutefois, ce n’est qu’en 2000 qu’à débuté l’exploitation à grande échelle, à la faveur d’une augmentation de la demande mondiale de pétrole, de conflits géopolitiques et d’une augmentation des prix dépassant les 100 $ le baril. Ce contexte particulier a fourni des conditions favorables permettant l’exploitation d’un pétrole cher et très polluant. Depuis quelques mois cependant les prix ont chuté dramatiquement pour atteindre environ 30 $/baril. Ce contexte ne semble pas prêt de s’améliorer, avec le retour de l’Iran, un acteur majeur sur le marché mondial.
Le coût de production d’un baril de pétrole est un secret industriel bien gardé. Toutefois, selon certains chiffres publiés récemment, il serait de 10 $/baril pour le pétrole liquide du Moyen-Orient, de 50 $/baril pour le pétrole de schiste américain et encore plus soit environ 60 à 70 $ pour le pétrole issu des sables bitumineux canadiens. Le bas prix du baril de pétrole que nous connaissons est dû à un excès de l’offre sur la demande au niveau des marchés internationaux. En particulier, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) refuse de diminuer sa production. Serait-ce là une stratégie pour éliminer les exploitants de pétrole dit «non conventionnel» comme les pétroles de schiste américain et des sables bitumineux du Canada? Dans un climat de compétition internationale féroce, on est porté à le croire.
Le Canada avec son pétrole coûteux et à forte production de gaz à effet de serre ne pourra produire à perte indéfiniment. Également, à moyen terme, on peut prévoir que les contraintes reliées aux problèmes des changements climatiques se feront sentir de plus en plus lourdement sur la consommation de pétrole. N’oublions pas que d’ici 2030, il y aura trois autres rencontres internationales de type COP 21 qui créeront de très fortes pressions à la baisse sur la consommation d’hydrocarbures. Dans ce contexte, les projets canadiens de construction d’un oléoduc de 15 milliards $ d’ici 2020, et de doublement de la production des sables bitumineux d’ici 2030 apparaissent pour le moins hasardeux financièrement.
En conclusion, nous croyons que l’industrie des sables bitumineux du Canada ne sera pas concurrentielle sur les marchés internationaux à court terme et qu’à moyen terme elle se fera rattraper par les contraintes environnementales mondiales. Par conséquent, on doit conclure à une erreur stratégique d’avoir développé cette filière. Que faire maintenant? Le plus sage serait de stabiliser la production, cesser les investissements structurants, dont l’oléoduc Énergie Est, et attendre pour voir de quel côté le vent va souffler d’ici quelques années.
Pascal Grenier, Québec